Cueillette de pommes, après l’Afghanistan

for all

that struck the earth

no matter if not bruised or spiked with stubble

went surely to the apple-cider heap

-Robert Frost

 

tu l’as rencontrée après la guerre, vous

vous êtes mariés, êtes allés aux pommes.

elle n’a jamais compris pourquoi

toi, un homme adulte,

tu t’es pissé dessus quand

tu as quitté l’Afghanistan, alors tu

ne lui as jamais raconté la fois où

tu t’es pissé dessus quand

tu as quitté l’Afghanistan.

vous étiez venus

cueillir des fruits ; vous vous êtes engueulés

à la place.

les moustiques vécurent beaucoup

plus longtemps qu’à l’habitude, bien

après le premier gel.

les guêpes ivres de pommes mordillaient

vos chevilles

comme des chiens.

toutes ces choses se sont passées

à l’automne —

le temps où les choses sont

censées mourir.

une nuit vous avez marché

ensemble dans le verger,

avez baisé

dans l’odeur des pommes pourrissantes,

des feuilles sèches, venteuses,

vous avez dormi dans une volvo

en dehors de l’église

catholique, l’auto en marche

pour éloigner

le froid.

tu sentais son corps dans

le noir.

la flèche grattant

le firmament.

la voiture est couverte de gel

quand tu t’éveilles.

tu dors

toujours,

tu attends que la guerre

se termine.

 

La guerre s’immisce dans les pommes, les guêpes, l’automne, les corps et l’amour.

Référence bibliographique

Benjamin Hertwig, « Cueillette de pommes, après l’Afghanistan », Les guerres lentes, traduction de Clara Dupuis-Morency et Adam Westra, Le lézard amoureux, 2019, p. 24-25.

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